À chaque fois que l’Europe se sent bousculée par les géants américains, la même tentation revient : celle de la taxe. Dernière en date, la résurgence d’une taxation des services numériques pour répliquer aux choix économiques des États-Unis. Et si, pour une fois, on prenait le temps de réfléchir à ce que ça dit de nous ? À ce que ça révèle de notre rapport au numérique, à la compétitivité… et à l’avenir.
Taxer pour rééquilibrer ? Sur le papier, l’idée paraît légitime. En pratique, elle pourrait bien nous faire rater l’essentiel.
Je dirige un réseau social français. Je pourrais me réjouir d’un coup de frein donné aux plateformes étrangères. Ce serait même, à court terme, plutôt « bon » pour nous. Mais à long terme, ce serait une catastrophe. Car le numérique n’est pas un produit comme les autres. Ce n’est pas une rente à exploiter. C’est une infrastructure invisible, un levier d’émancipation, d’accès, de lien social, de connaissance, de liberté.
Rendre le numérique plus cher, plus contraint, plus incertain, c’est creuser les inégalités. C’est ralentir l’innovation. C’est freiner l’envie d’entreprendre. C’est renvoyer le progrès à ceux qui peuvent se le payer.
Taxer les services numériques, ce n’est pas punir les GAFAM. C’est pénaliser ceux qui les utilisent pour apprendre, se former, créer, s’informer, travailler. Ce sont les citoyens, les TPE, les freelances, les associations, les territoires. Ceux qui ont tout à gagner d’un numérique fluide, ouvert, accessible. Ceux qui construisent tous les jours l’économie réelle, pas celle des fantasmes fiscaux.
Le vrai sujet, ce n’est pas de taxer ce qui fonctionne ailleurs. C’est de créer ce qui fonctionne ici. D’investir dans nos propres infrastructures, dans l’éducation, dans les compétences, dans les modèles européens. De faire émerger des alternatives qui respectent nos valeurs, notre souveraineté, et notre vision d’un numérique inclusif.
Il y a mieux à faire que de taxer. Il y a plus audacieux, plus utile, plus juste. Le numérique n’est pas un luxe. C’est un droit d’accès à l’époque.
Et c’est précisément pour ça qu’il mérite mieux qu’un réflexe défensif.
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